« Te Deum », le compositeur parle (1985)

Propos recueillis lors de la création du Te Deum en 1985, reproduit avec l’aimable autorisation de « 24 Heures » et de Mme Myriam Tétaz.

Le compositeur parle « … La construction du Te Deum n’a rien de dramatique ; c’est un cantique de louange perpétuel, il a de l’allure, il est vigoureux, mais sans contrastes. Chaque partie est introduite par la mélodie grégorienne correspondante, confiées aux solistes. Elle exprime très fortement le texte. Elle donne l’atmosphère. Dans l’ensemble, je crois avoir écrit une musique très simple. Je pense que la voix humaine commande un certain style, sans complications chromatique ou tonale. L’orchestre a des harmonies plus libres. J’ai aussi tenu compte du grand espace architectural : dans une cathédrale il y a une résonance qui rend les complications harmoniques difficiles à saisir.

J’ai toute une tradition en moi. Je ne peux pas me couper de moi-même. Aujourd’hui, je me sens un peu en marge ; je regrette d’avoir perdu le contact avec toute cette jeunesse de compositeurs contemporains. Leur musique me paraît souvent volontairement dissonante, artificiellement compliquée. Le fondement de la musique, pour moi, c’est la joie de la beauté. Quand je compose, je m’isole de l’aspect analytique, intellectuel, des considérations critiques. Je ne fais qu’écrire ce qui me paraît le meilleur. Cela peut ressembler par hasard à autre chose, ça m’est égal. Je me sens indépendant.

Une chose me tourmente: la situation de l’humanité actuelle. Quelquefois je n’ai plus le courage de me mettre au travail. Si on pouvait élever l’esprit de l’homme ! La musique, certes, peut y contribuer, c’est pourquoi je m’y remets. Un tout petit geste, mettre un bémol à la bonne place, vous fait participer à la construction du monde, dirait Teilhard de Chardin. »